Metcalfa pruinosa
est la seule espèce représentant la famille des Flatidae au Québec.
Parfois solitaire mais généralement en groupe de plusieurs individus,
elle est facilement identifiable. L'adulte vu de profil est
rectangulaire. La cire qui le couvre lui donne une couleur variant du
gris au brun. Des taches noires sont présentes sur la base des ailes.
Les nymphes sont blanches et souvent enfouies en groupe, sous une
épaisse couche de cire.
D'après Wilson & Lucchi (2007), les adultes et les nymphes sont
immobiles durant la journée et se nourrissent. Les déplacements des
nymphes vers un site d'alimentation différent, par exemple, ont lieu
durant la nuit.
L'espèce nord-américaine a été introduite en Italie en 1979 et s'est
ensuite établie en Europe.
Du miel fait à partir de
miellat!
M. pruinosa
est polyphage. Elle ingère la sève élaborée, tirée du
phloème d'arbres, d'arbustes ou de plantes herbacées d'une très grande
variété de familles de végétaux. Elle rejette une grande quantité de
miellat car son système digestif est dépourvu d'une chambre de
filtration et son intestin moyen n'absorbe pas efficacement les sucres
(Wilson & Lucchi, 2007). En Europe, la densité des agrégations
de M. pruinosa
est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'est en Amérique du Nord. La
considérable quantité de
miellat produite par les colonies de fulgores attire les abeilles (Apis mellifera)
qui butinent le liquide sucré tôt le matin et au coucher du soleil,
périodes moins chaudes où le miellat sèche moins rapidement. En Italie
et dans le sud de la France, les apiculteurs commercialisent du miel de
ce miellat sous le nom de « Meile
di Melata di Metcalfa » (Wilson
& Lucchi, 2007).
Le miel produit à partir de miellat de M. pruinosa est
différent par sa
composition chimique, son apparence et son goût. Il est peu sucré
(monosaccharides, fructose et glucose), liquide, visqueux et de couleur
ambre foncé à noire. Son odeur et son goût qui persiste en bouche
rappellent ceux de fruits secs, de la mélasse, du jus de tomate ou de
la confiture de figues (Barbattini et
al., 2001).
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Prédateurs
Neodryinus
typhlocybae (Dryinidae) est un parasitoïde de M. pruinosa.
Lucchi & Wilson (2003) ont photographié une nymphe portant deux
larves de cette guêpe à l'enveloppe blanche, sous les fourreaux alaires
du fulgore.
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Communication
Virant-Doberlet
& Žežlina (2007) ont étudié en détail la
communication entre les adultes M.
pruinosa. Les informations qui suivent sont tirées de cet
article.
La
communication, comme celle de beaucoup d'Hémiptères, consiste en une
vibration produite par l'insecte et transmise par la plante. On ne sait
pas comment M. pruinosa
produit les pulsations car, contrairement aux cigales ou à certains
delphacides, l'espèce ne possède pas de timbales. Chez certaines
Pentatomidae, les mouvements de l'abdomen produisent les vibrations
mais les auteurs s'interrogent sur la capacité de ce mécanisme à
produire de brèves et rapides pulsations comme celles observées chez M. pruinosa.
Mâles et femelles appellent de façon semblable, la différence
principale étant la période de pulsation, c'est-à-dire le temps entre
deux pulsations. La communication qui débute en soirée est plus intense
entre minuit et 4h, le pic étant entre 1h et 3h du matin. Les mâles,
qui sont plus actifs, engagent généralement la conversation et
répondent volontiers aux appels des femelles. En revanche, celles-ci ne
répondent pas toujours et communiquent rarement en l'absence de mâles.
Après quelques tentatives de communication, les mâles quittent la
plante si leurs appels sont sans réponses.
Typiquement, la communication s'établit par un bref échange (m - f - m
- f) de
quatre à six pulsations. Lorsque la femelle est réceptive,
elle émet un train de pulsations plus long, le mâle répond, puis la
femelle émet des pulsations en continu dont la durée a varié, en
laboratoire, entre une minute et plus de trois heures.
Les mâles communiquent entre eux, avec ou sans la présence de
femelles. Il n'y a pas d'alternance de type « a - b - a - b » entre
deux individus mais
leurs signaux ne se superposent pas. M. pruinosa est
très sensible à la lumière. En présence de celle-ci, la communication
est réduite.
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Les nervures des
ailes ne sont pas toujours apparentes à cause de la cire. Sur la photo
à droite, on distingue bien au bout des ailes la rangée de nervures
perpendiculaires à la bordure apicale. |
M.
pruinosa ténérale, près de son exuvie à sa droite. |
La cire
Les nymphes et
les adultes produisent de la cire, poudreuse chez l'adulte et en longs
filaments chez la nymphe. Celle des nymphes est si abondante qu'elles
peuvent s'y enfouir complètement, plus particulièrement si elles sont
en groupe de plusieurs individus. Même lorsque les nymphes se sont
déplacées, les traces de cire qui adhèrent à l'hôte trahissent leur
présence récente.
Les segments VI à VIII de l'abdomen des nymphes comprennent la plus
grande concentration de glandes produisant la cire. Chez les adultes
des deux sexes, les pores sont groupés ou étalés sur la surface du
corps et produisent de la cire de différentes structures. Les femelles
produisent de la cire sur le tube anal. Pourtant, contrairement à
d'autres fulgores, la femelle n'utilise pas cette cire pour couvrir ses
oeufs ni pour tout autre raison évidente (Lucchi & Mazzoni,
2004).
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Wilson &
McPherson (1980), ont observé en
Illinois, la présence
de nymphes appartenant à quatre espèces du fulgores se nourrissant en
étroite compagnie. M.
pruinosa était avec Acanalonia
conica, espèce
présente au Québec, Flatormenis
proxima et Ormenoides
venusta. Les
auteurs pensent que l'avantage d'être en groupe, enfouies sous
l'épaisse couche de cire partagée, compense pour l'inconvénient d'être
en compétition pour le même site d'oviposition puis pour la même
nourriture.
La cire produite par différents Hémiptères tels
que pucerons,
cochenilles ou aleurodes, est utilisée comme camouflage par la larve
d'une chrysomèle, Ceraeochrysa
lineaticornis. Celle-ci récolte la cire et la place sur
son dos avec divers débris. Wheeler & Stocks (2019) ont observé
en Caroline du sud, cette chrysomèle utiliser la cire de M. pruinosa. Les
auteurs n'ont pas pu documenter la prédation de Metcalfa par Ceraeochrysa, en
liberté. Celle-ci a été observée en laboratoire. Toutefois, la
prédation a peut-être lieu la nuit, moment où Metcalfa se déplace
et Ceraeochrysa
est active. |

Ci-dessus, un adulte probablement issu de la colonie où
persiste une abondante cire en filaments. Deux nymphes, à droite, n'ont
pas encore
mué au stade adulte.
Ci-dessous deux nymphes (→ rouge) sur le dessus d'une feuille, le long
d'une bande de cire. |

Une
larve de chrysomèle vue de face, camouflée par une touffe de cire
qu'elle a placée sur son dos. L'origine de la cire est indéterminée. |
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L'ovirupteur
consiste en deux lames sub-parallèles aux arêtes
tranchantes et dentées, situées de part et d'autre de la ligne médiane
de la cuticule.
Au moment de l'éclosion, l'embryon, par contraction
musculaire, pousse les lames sur la surface de l'oeuf, le perce et
émerge en quelques minutes (Lucchi, 1994).
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Quatre photos,
ci-dessus et ci-dessous: nymphes Metcalfa
pruinosa solitaires ou en groupe. |
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L'information qui
suit est tirée de Lucchi (1994).
M. pruinosa
produit une seule génération par année. La femelle insère
chaque oeuf isolément, sous l'écorce d'un hôte, à la fin de l'été ou à
l'automne. L'oeuf, aplati dorsoventralement, hiberne puis éclôt au
printemps. L'enveloppe de l'oeuf est solide et épaisse pour résister à
la longue période hivernale. Pour pouvoir percer cette
enveloppe, l'embryon
est équipé d'un ovirupteur sur la région frontale de sa cuticule. Voir
l'illustration, ci-dessus.
Les cinq stades de croissance des nymphes durent environ 45
jours.
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