Une galle ou une pseudogalle?
La « vraie galle »
enferme complètement la colonie dans une sorte de sac.
La
pseudogalle est une feuille plus ou moins repliée ou enroulée qui
permet aux pucerons et aux prédateurs d'aller et venir sans contrainte
(voir photos à droite). Cette page web traitera surtout des vraies
galles que les pucerons développent sur quelques essences d'arbres
(voir aussi photos par espèces).Peu d'espèces de pucerons produisent des galles. Forrest compte 700 espèces, en incluant les pseudogalles ![]() Comment sont-elles produites?
La galle apparaît suite à la stimulation ou à
l'inhibition de certaines parties de la plante. Cet effet pourrait être
d'origine mécanique
(insertion des stylets)
et engendrer une réaction locale de l'hôte ou chimique et
permettre une réaction à distance. Par exemple, l'action de la
fondatrice Eriosoma
sp. qui se nourrit à une certaine distance d'une feuille
d'orme, en
provoque l'enroulement et crée ainsi une pseudogalle où elle ira fonder
sa colonie ![]() Les galles doivent être formées sur de jeunes tissus en croissance et, à part quelques rares exceptions comme par exemple Daktulosphaira vitifoliae, c'est la fondatrice qui est la seule à pouvoir induire la galle où se développera sa colonie. Au printemps, il faut donc une bonne synchronisation entre l'éclosion des oeufs, dont sont issues les fondatrices, et le développement des bourgeons et des jeunes pousses de l'hôte (Wool, 2004). Un type de galle par
espèce
Les galles sont typiques
à chaque espèce.
Généralement, une même espèce fait
toujours le même type de galle, sur la même partie d'une plante donnée
(pétiole, limbre, etc.). Deux espèces différentes font des
galles différentes, même si elles sont situées sur la même partie d'un
même type d'hôte (Wool, 2004).
Toutefois, trois espèces de Pemphigus
font exception et leurs galles peuvent être difficiles à différencier
les unes des autres ![]() Une « force aspirante »
qui pompe
les nutriments
Quand la fondatrice s'alimente, elle opère un changement qui transforme le tissu
normal de la pousse en tissu de galle qui contient plus d'amidon et de
lipides (Havill & Foottit, 2007). Dans une
pseudogalle les éléments nutritifs restent disponibles plus longtemps
que dans une feuille normale ![]() Les tissus qui forment la galle ne font pas de photosynthèse et importent les nutriments grâce à la force aspirante. Il y a une correspondance entre l'efficacité des pucerons à se reproduire et la force aspirante de la galle. Lorsque plusieurs galles sont situées sur la même feuille ou la même pousse, c'est la galle dont la force aspirante est la plus grande qui a un impact négatif sur la performance des autres galles (Burstein et al.,1994). À noter que les galles sont aussi en compétition avec les forces aspirantes naturelles de l'hôte (bourgeons, fleurs, fruits). Mécanismes encore
méconnus
Les chercheurs n'ont pas encore découvert tous les mécanismes qui
permettent aux pucerons de produire les galles. Certains chercheurs
croient que
c'est la plante, en réagissant à un stimulus donné, qui détermine
l'allure de la galle. D'autres, au contraire, croient que la galle est
une extension du phénotype
du puceron ![]() Au sujet du cycle de vie, un autre mécanisme reste mystérieux. Comment le puceron qui quitte l'hôte secondaire fait-il pour reconnaître l'hôte primaire, à l'espèce près. En effet, il est né et a vécu sur un hôte totalement différent de l'arbre où se développe son espèce durant une partie de son cycle. Plus encore, même s'il ne vole pas très bien, il doit, pour assurer le succès de sa descendance, choisir le meilleur arbre, parmi ceux de la même espèce. On croit que la densité du feuillage ou sa couleur pourrait guider le puceron (Wool, 2004). Les avantages de cet
abri
La production de galles représente un investissement d'énergie
pour les pucerons. En retour, ceux-ci s'assurent d'avoir un environnement contrôlé,
à l'abri des intempéries et, dans une certaine mesure, des prédateurs.
Mais la galle leur apporte plus encore. Sa force aspirante attire et
concentre les éléments nutritifs dans la galle. Ce
principe s'applique aussi aux pseudogalles. En laboratoire, on a élevé des pucerons Aphis fabae (qui ne font pas de galles) en compagnie de Dysaphis devecta qui produit une pseudogalle. En comparant les A. fabae avec un groupe de contrôle où A. devecta était absent, on a observé que la taille des A. fabae était nettement plus élevée s'il s'était développé en compagnie de D. devecta ![]() Cycle de vie
Le cycle de
vie des pucerons cécidogènes est
un des plus complexes chez les
insectes: la plupart alternent d'hôtes et de type de reproduction
(sexuée ou non). On compte jusqu'à huit morphes pour une même espèce
![]() À l'automne, une femelle sexuée pond un oeuf sur l'hôte primaire, un arbre (voir Melaphis sp., différent). Au printemps, l'oeuf éclot et la fondatrice induit une galle à un endroit bien spécifique. La galle enveloppe graduellement la fondatrice qui, sans accouplement préalable, fonde la colonie. Plus tard en saison, des pucerons ailés s'échappent de la galle et vont coloniser l'hôte secondaire (plante ou arbuste). À la fin de l'été, des pucerons ailés retournent sur l'hôte primaire où des pucerons sexués sont produits, s'accouplent et produisent un oeuf. Dans certains cas le cycle de vie s'échelonne sur deux ans. Lorsque l'hôte primaire est absent de la région où ils se sont établis, certaines espèces se développent uniquement sur l'hôte secondaire et ne font pas de galles. Par exemple, des espèces du genre Forda et Geoica, ainsi que Smynthurodes betea sont présents au Québec, mais sans faire de galles car le pistachier, leur hôte primaire, y est absent. Chez les insectes on observe rarement des comportements territoriaux chez des femelles immatures. Les fondatrices Pemphigus betae entrent en compétition lorsque vient le temps de choisir le meilleur site pour établir leurs galles. Le taux de reproduction dans une galle bien située est significativement plus élevé. L'enjeu est à ce point vital pour leur descendance qu'elles négligent de s'alimenter lorsqu'elles défendent leur minuscule territoire (entre 3 et 5 mm de long). Dos à dos, elles se poussent et se donnent des coups de pattes. Whitham a observé des affrontements qui ont duré jusqu'à deux jours et au bout duquel une ou les deux fondatrices sont mortes. Lorsqu'il y a plus de fondatrices que de feuilles à coloniser, les fondatrices vagabondent, à la recherche d'un site libre, n'hésitant pas à défier celles déjà établies. Les femelles solitaires de grande taille et qui sont installées sur les plus grandes feuilles ont un meilleur taux de reproduction. Lorsque deux fondatrices se partagent une feuille, celle située à la base de la feuille a un taux de reproduction 56% plus élevé que celle qui s'établit plus loin, du côté distal de la feuille (Whitham, 1986). Dans certains cas, la compétition a lieu sans affrontement et à l'inévitable détriment d'un des deux opposants. Hayhurstia atriplicis se développe dans une pseudogalle sur les parties aériennes du Chénopode (Chenopodium) alors que Pemphigus betae se développe parallèlement sur les racines du Chénopode, qui est son hôte secondaire. Sur certaines plantes, la présence de H. atriplicis a eu pour effet de réduire considérablement la colonie de P. betae, parfois même jusqu'à l'extermination de tous les pucerons. Toutefois, la présence de P. betae n'a aucun effet sur la santé de la colonie de H. atriplicis (Moran & Whitham, 1990). Les galles procurent un environnement propice au développement de comportements sociaux. La séquestration dans un lieu fermé accroît la cohésion du groupe. Elle favorise les opportunités d'interactions et de ce fait l'évolution de caractères sociaux. Même si certaines galles semblent complètement étanches durant les premières phases de croissance, des fissures apparaissent rapidement et permettent éventuellement aux pucerons de sortir de la galle. Toutefois, c'est aussi une porte d'entrée pour des prédateurs ou des pucerons « squatteurs ». Ce ne sont pas toutes les espèces de pucerons cécidogènes qui ont développé, au cours de leur évolution, des pucerons soldats. Chez les Pemphiginae, trois espèces présentes au Québec produisent un premier stade ayant un phénotype de soldat: Pemphigus monophagus, P. bursarius et P. spyrothecae (Abbot, 2009). Plusieurs chercheurs ont étudié le comportement de Pemphigus spyrothecae. En plus des premiers stades normaux, la fondatrice produit des morphes aux pattes plus épaisses. Ils s'agglomèrent près de l'entrée de la galle et attaquent les prédateurs avec leurs pattes arrière ou en les perçant avec leurs stylets. Les soldats s'attaquent aux coccinelles, syrphes et punaises. Presque tous les pucerons perdent la vie suite à l'attaque mais ce sacrifice en vaut la peine car une nymphe de punaise peut dévorer tous les pucerons d'une galle (Foster, 1990). Les soldats n'attaquent pas le puceron Chaitophorus leucomelas, qui représente une menace quand il s'établit dans la galle. En produisant beaucoup de miellat il favorise le développement de champignons pathogènes qui peuvent dévaster la colonie de P. spyrothecae (Pike & Foster, 2004). Il semble que le rôle des soldats est de défendre la colonie contre les prédateurs et non de défendre un bon site d'alimentation contre des compétiteurs (Foster, 1990). Les pucerons soldats jouent un autre rôle, essentiel à la colonie: ils font le ménage de l'intérieur de la galle. Lorsque celle-ci se fissure, ils poussent à l'extérieur les exuvies et les pucerons morts (voir ci-dessus, une exuvie expulsée d'un pore par des pucerons à l'intérieur d'une galle). Ils se débarrassent également des gouttes de miellat enrobées de cire en les poussant de diverses manières: en donnant délibérément des coups de pattes, en les poussant avec la tête ou avec leur derrière ou encore à reculons (voir le graphique ci-contre). Lorsque la boule est trop grosse, le puceron monte dessus et la roule. Benton et Foster ont observé quatre pucerons collaborant à rouler une goutte de grande taille. Parfois, alors qu'ils s'affairent près de l'orifice de la galle, ils tombent au sol et meurent. Les galles où on a enlevé les soldats étaient moins bien entretenues et avaient un taux de mortalité plus élevé. Les autres morphes présents dans la galle ne semblent pas prendre la relève des pucerons soldats et la gravité n'est pas responsable de l'écoulement du miellat à l'extérieur de la galle (Benton & Foster, 1992). Même si Pemphigus populicaulis n'a pas de phénotype de soldat, des pucerons débarrassent la galle des exuvies et des gouttes de miellat qui l'encombrent. Voir les deux petites séquences animées ci-dessus, où plusieurs pucerons P. populicaulis s'affairent à sortir une exuvie ou des gouttes de miellats de galles sur du Peuplier deltoïde. Les pucerons soldats sont aussi en mesure de réparer des dommages à la galle. Dans une expérience où on a percé des galles prématurément, on a observé une excroissance du tissu de la galle, fermant ainsi l'orifice. Les pucerons soldats sont vraisemblablement responsables de cette réaction de la plante car on a pu les observer s'attrouper près de l'orifice, dans une posture de sentinelle (Pike & Foster, 2004). Consulter ici la page des galles par espèces pour voir la forme des galles propre à chaque espèce, le détail de leur cycle de vie, etc. Cliquez sur le nom du puceron souligné pour accéder aux photos de la pseudogalle. ![]() |
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Une « vraie galle » ci-dessus et une pseudogalle ci-dessous. | |
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L'enroulement ou le plissement des feuilles est le fait d'une croissance anormale de certaines parties de la plante. Par exemple, la feuille plissera lorsque l'action du puceron a pour effet de retarder la croissance de la nervure principale, alors que le limbe croît normalement (Maresquelle, 1935). Les pseudogalles peuvent être enroulées de façon lâche ou serrée, sur la longueur ou la largeur de la feuille. Parfois, un groupe de feuilles ou de folioles forme une touffe de feuilles déformées qui abrite des centaines de pucerons. | |
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Les galles peuvent être de formes et de tailles variées: sacs allongés, sphériques, pointus ou en forme d'ananas. Le système vasculaire de la plante est modifié et parfois même de la pilosité, absente d'une feuille normale, apparaît sur la galle. | |
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![]() Ci-dessus, une punaise nymphe trouvée dans une pseudogalle d'orme produite par Eriosoma lanigerum. |
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![]() Ci-dessus, une nymphe du réduve Zelus luridus sur une galle du puceron Melaphis asafitchi sur un Sumac vinaigrier. Est-ce que la punaise peut se nourrir des pucerons à travers la galle? |
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![]() Expulsion de deux gouttes de miellat par Pemphigus populicaulis d'une galle de Peuplier deltoïde. La séquence a duré 38 secondes. On discerne les antennes en V des pucerons, après que la goutte ait été éjectée. |
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![]() Méthode d'éjection du miellat, en fonction de la taille des gouttes. Les chiffres au-dessus de l'axe horizontal correspondent aux nombres d'observations de chaque méthode. |
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![]() Ci-dessus, les nombreuses gouttes de miellat enrobées de cire dans une pseudogalle de Prociphilus fraxinifolii sur du frêne (Fraxinus). Dans ce cas, il n'y a manifestement pas d'activité de ménage. |
Hôte
(pseudogalle) |
Puceron |
Type |
Amélanchier (Amelanchier
sp.) |
Prociphilus
caryae |
Enroulement d'un côté de la feuille et décoloration. |
Bouleau à papier (Betula papyrifera) | Hamamelistes spinosus | Le limbe est bombé entre les nervures de la feuille. |
Chou gras (Chenopodium
album) |
Hayhurstia atriplicis
|
Deux côtés de la feuille repliés vers le haut. |
Cornouiller (Cornus sp.) | Anoecia corni | Enroulement lâche ou serré des feuilles. |
Cornouiller (Cornus sp.) | Aphis neogillettei | Enroulement des feuilles. |
Frêne (Fraxinus sp.) | Prociphilus fraxinifolii | Enroulement des folioles de la feuille. |
Mûrier (Rubus allegheniensis) | Aphis rubifolii | Enroulement serré des folioles de la feuille. |
Orme (Ulmus sp.) | Eriosoma lanigerum | Assemblage de feuilles déformées. |
Eriosoma americanum |
Enroulement serré d'un côté de la feuille. | |
Peuplier baumier (Populus balsamifera) | Thecabius populimonilis |
Le bord de la feuille et parfois le limbe le long d'une nervure sont repliés et forment une loge. |
Peuplier deltoïde (Populus
deltoides)![]() |
Pachypappa
pseudobyrsa![]() |
Protubérance sur le dessus de la feuille qui crée une loge sur l'envers. La feuille se replie en deux à mesure que la colonie se développe. |
Viorne (Viburnum sp.) | Ceruraphis eriophori | Enroulement complet de la feuille, parfois extrêmement serré. |
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